Source : https://www.corsicamea.fr/personnages/paoli.htm
Antonio Filippo Pasquale de’ Paoli est né le 5 (ou le 6) avril 1725 dans un petit hameau de Morosaglia qui se nomme Stretta. Il est le dernier né des 4 enfants (Clemente, Maria Francesca et Maria Chiara) de Giacinto de Paoli et de Dionisia Valentini.
Il a 14 ans lorsque le 07 avril 1739, son père Giacinto, contraint de s’exiler à Naples avec une trentaine de compagnons dont Luigi Giafferi, l’emmène avec lui tandis que son frère aîné Clément (28ans) reste au village pour subvenir aux besoins de la famille et assurer la gestion du patrimoine.
A l’âge de 16 ans, il s’engage dans l’armée napolitaine où il débute comme cadet dans le régiment Corsica qu’entretient le nouveau roi de Naples et dans lequel son père a été nommé colonel.
Après avoir fait ses études à l’université de Naples et à l’académie royale militaire d’artillerie qu’il quittera en 1749, il ira servir dans le Royal-Farnese à Syracuse puis à l’île d’Elbe. En 1754, à l’âge de 29 ans, il est nommé sous-lieutenant et participe à la pacification de la Calabre et à la lutte contre le banditisme en Sicile.
Répondant à l’appel de son frère Clemente, il démissionne de l’armée napolitaine et revient dans son île natale en 1755 pour prendre la tête de de la révolution malgré l’avis de son père qui restera à Naples et qu’il ne reverra plus.
Les meurtres, au début du XVIII ème siècle, ainsi que les actes de brigandage étaient fréquents dans l’île où les autorités de la Sérénissime avaient recensé 28715 homicides au cours des 32 années précédentes, soit une moyenne annuelle de 900 assassinats. Il est à souligner que lors de la première Consulta à Caccia les 26 et 27 septembre 1745, deux pacificateurs furent nommés pour tenter d’enrayer le terrible fléau de la vendetta.
A la consulta de Sant’Antonio della Casabianca le 15 juillet 1755, Paoli est élu Chef général économique et politique du Royaume de Corse. L’administration de la Justice a été la première mission à laquelle il s’est consacré avant la lutte contre les génois. D’importantes mesures sont prises pour lutter contre le banditisme. Il est décidé qu’une commission ambulante fera à partir du 03 août suivant une tournée générale pour rechercher et punir les auteurs des crimes commis depuis peu. Le général disposera pour cela d’un pouvoir illimité.
Les 16,17 et 18 novembre à Corti, ces mesures sont renforcées par une organisation constitutionnelle et la mise en place d’une justice pénale : Nomination de paceri et d’un juge par piève, institution de la peine de mort pour l’assassin. L’ensemble de ces mesures, par sa sévérité et sa rapidité, sera dénommé « Giustizia Paolina« . La consulta du 20 mai 1766 renforça puissamment ce dispositif de répression en publiant un véritable Code pénal.
Mais tout restait à faire : il fallait se débarrasser des occupants, faire naître une volonté patriotique unitaire, établir une justice impartiale, promouvoir l’agriculture et le commerce, assurer le ravitaillement, distribuer l’enseignement, battre monnaie, récolter des ressources financières, bâtir des routes, mettre sur pied des milices, lancer une marine, enfin faire participer tout un peuple à l’élan exaltant qui se donnait pour but la souveraineté de la patrie et la liberté de ses fils.
Avançant à pas lents sur une terre où les passions l’emportaient souvent sur la raison, Paoli fit adopter le principe d’une constitution. Cette constitution avant-gardiste, est la première d’Europe et même si l’on doute qu’elle puisse avoir servi de modèle à la constitution américaine, elle n’en demeure pas moins unique en son genre. Par exemple, dans la constitution Corse, tous les citoyens hommes et femmes (même les étrangers) peuvent voter à partir de 25 ans.
Il faut préciser ici qu’en ce qui concerne les femmes, le droit de vote n’a jamais été généralisé. Contrairement à ce que l’on affirme avec conviction, le droit de vote n’était autorisé qu’aux femmes chef de famille et dans certaines pievi uniquement. Il en était d’ailleurs déjà ainsi pendant la période de l’occupation génoise.
Le droit de vote aux femmes n’interviendra dans la constitution Française qu’en 1947.
Pascal Paoli mènera une politique intensive de développement économique, industriel et commercial de la Corse :
– Intensification de l’agriculture. (il développera particulièrement la culture de la pomme de terre introduite dans l’île par Marbeuf, ce qui lui vaudra le surnom de « Générale delle patate »).
– Assèchement des zones marécageuses.
– Développement de l’artisanat.
– Développement du réseau routier (il est utile de rappeler qu’à cette époque on ne se déplace qu’à cheval, à dos d’âne ou de mulet)
– Prospection des carrières et des mines.
1758- Création de la ville et du port d’ Isula Rossa. (Au lendemain de la défaite de Pontenovu, l’île rousse portera pendant une douzaine d’année le nom de « ville de Vaux« , du nom du général vainqueur).
1760- Création d’une imprimerie nationale au couvent de Campulori (Cervioni) et parution du premier journal officiel de la Corse « Raguagli dell’isola di Corsica« dont le premier numéro parait le 1er septembre 1760. Le dernier numéro de Raguagli imprimé en corse date de juillet 1768 mais le journal continuera à être imprimé à Livourne et à Florence. Le 52ème et dernier numéro, largement consacré à la bataille de Pontenovu, paraitra le 25 mai 1769.
1761- Création du papier timbré.
1762- La tête de Maure devient l’emblème national du Royaume de Corse.
– Création d’une flotte marchande à Centuri et à Farinole. Les navires arborent le pavillon à tête de Maure reconnu par la Toscane, la France et la sardaigne.
1765- Développement de l’enseignement en langue Italienne et création de l’université de Corte.
1767- Création d’un hôtel des monnaies à Orneto di Tavagna avant d’être transféré à Murato puis enfin à Corte (capitale de la Corse).
– Création de manufactures d’armes.
– Création d’une armée du Royaume de Corse.
L’œuvre de celui qui deviendra plus tard u babbù di a patria (le père de la patrie) s’achèvera le 09 mai 1769 par la bataille de Ponte Novu qui met fin à un rêve d’indépendance. Le 21 septembre 1769, Paoli s’exile à Londres.
Vingt ans plus tard, le 30 novembre, sur proposition du député corse Salicetti, l’Assemblée décrète que « l’île de Corse fait partie de l’empire français et que ses habitants sons régis par la même constitution que les autres Français », tous les Corses forcés de s’expatrier pour avoir défendu leur liberté pourront regagner l’île sans être inquiétés. L’acte de 1768 est effacé en dépit de la protestation génoise.
La Corse est vraiment française en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pasquale Paoli (initié franc-maçon, le 15 juin 1778, au sein de la Loge « Les Neuf Muses n° 325″ de Londres), rappelé de son exil londonien, est reçu en triomphateur à Paris comme un martyr de la liberté ; il est accueilli par la Constituante, honoré par Lafayette, Mirabeau, Robespierre, et acclamé par le peuple.
De retour en Corse, il est sollicité par Napoléon qui veut exporter la révolution Française dans l’île. Mais Paoli qui ne l’aime pas car il le trouve trop arrogant et trop présomptueux, se méfie de lui.
L’expédition manquée contre la Sardaigne en janvier 1793 à laquelle participe le légendaire Angelo Matteo Bonelli dit » Zampaglinu« , la trahison de Napoléon le 02 mai 1793, séparent définitivement le destin des deux hommes.
La nomination d’un vice Roi du royaume de Corse après la bataille livrée dans les eaux Corses par l’amiral Nelson en 1794, contraignent de nouveau le vieux général à s’exiler à Londres où il meurt le 05 février 1807 à l’âge de 82 ans, célibataire et sans lignée familiale. Son cercueil exhumé du cimetière de Saint-Pancrace le 31 août 1889 sera ramené en Corse dans sa maison natale du hameau de Stretta à Morusaglia le 07 septembre 1889.
A propos de la bataille de Ponte Novu Voltaire écrira:
« L’arme principale des Corses était leur courage. Ce courage fut si grand que dans un de ces combats, vers une rivière nommée Golo, ils se firent un rempart de leurs morts pour avoir le temps de recharger derrière eux avant de faire une retraite nécessaire ; leurs blessés se mêlèrent parmi les morts pour affermir le rempart. On trouve partout de la valeur, mais on ne voit de telles actions que chez les peuples libres. »
PONTE NOVU
Source : https://www.corsicamea.fr/personnages/pontenovu.htm
C’est au cours d’une collecte d’impôts organisée à Bustanicu, dans le Boziu que débute le 27 décembre 1729, sous la forme d’une jacquerie la révolution Corse.
Les deux doctrinaires de cette révolution Corse sont :
-Giulio Mattéo Natali (1702-1782), un théologien originaire d’Oletta qui publiera à Rome et distribuera secrètement en 1736, sous le pseudonyme de Cuzio Tulliano son livre intitulé « Disinganno intorno alla guerra di Corsica ».
-L’abbé Grégorio Salvini (1696-1789) qui publiera en 1758 un ouvrage intitulé : « Giustificazione della Rivoluzione di Corsica e della ferma risoluzione presa da’ Corsi, di non sottomettersi mai più al dominio di Genova ») qui développe avec plus de détails historiques les thèses de Natali.
En 1736, la France entretient une politique anti-Génoise, véritable propagande d’intoxication, sournoise et machiavélique orchestrée par Chauvelin, secrétaire d’état aux affaires étrangères, qui trompe le peuple Corse et contribue à développer chez lui des idées de révolte qui vont finalement emmener Gênes à faire appel à la France.
Cette dernière, qui peut ainsi justifier son intervention aux yeux de l’opinion internationale, entame alors une effroyable campagne de répression qui conduira 30 ans plus tard à la désastreuse et sanglante bataille de Ponte Novu.
La bataille de Ponte Novu, qui eut lieu du 8 au 9 mai 1769, marque la fin d’un rêve d’indépendance.
Les armées du roi de France, Louis XV, composées d’un régiment de 13500 hommes commandées par le comte De Vaux, des troupes du cruel et sanguinaire comte Marbeuf, d’un corps de mercenaires prussiens et d’environ 500 corses recrutés sur place, vont infliger, dans un combat inégal, de lourdes pertes aux patriotes Corses au nombre de 2000.
Devant la contradiction des chiffres avancés, il est difficile d’estimer le nombre de morts et de blessés. On peut raisonnablement penser que la perte dans chaque camps a été de 150 à 200 morts et autant de blessés.
En 1736, la France entretient une politique anti-Génoise, véritable propagande d’intoxication, sournoise et machiavélique orchestrée par Chauvelin, secrétaire d’état aux affaires étrangères, qui trompe le peuple Corse et contribue à développer chez lui des idées de révolte qui vont finalement emmener Gênes à faire appel à la France.
Cette dernière, qui peut ainsi justifier son intervention aux yeux de l’opinion internationale, entame alors une effroyable campagne de répression qui conduira 30 ans plus tard à la désastreuse et sanglante bataille de Ponte Novu.
Le 15 mai 1768, plus Italienne que Française par l’esprit et les sentiments, la Corse fait l’objet d’un marché de dupes entre le gouvernement de Gênes et le Roi de France : Par le traité de Versailles, Louis XV achetait l’île de Corse à Crédit.
La France victorieuse allait désormais entreprendre et intensifier au fil du temps une politique de colonisation de la Corse qui allait contribuer irréversiblement au déclin de la langue, des us et des coutumes de ses habitants.
Rappelons cependant que du point de vue du droit international, la Corse était toujours une possession génoise car le décret d’annexion de la Corse à la France ne fut voté que le 30 novembre 1789 sans que le peuple eût pu disposer de lui-même. Ainsi, à la manière de Napoléon et au mépris de tout engagement bilatéral et des traités internationaux, la France venait de procéder, à l’annexion d’un territoire conquis.
Il est cependant important de souligner que la Corse est encore aujourd’hui le seul territoire sous souveraineté française, dont la possession par la France n’a pas été ratifiée.
« … les Corses, un instant victorieux, parvinrent à repousser en désordre les volontaires français. Mais, entraînés par leur ardeur, ils passèrent la rivière et s’acharnèrent à se maintenir dans une position difficile, que l’arrivée des grenadiers et des chasseurs du régiment de Champagne, conduits par M. d’Escoulombre en personne, rendit vite intenable. Ils y furent presque tous massacrés. Il était quatre heures et demie du soir. La bataille était perdue. Les pertes étaient sensibles. Rien qu’à Ponte-Nuovo, les Corses avaient eu deux cents hommes tués ou noyés, les Français, soixante hommes tués ou blessés, et, parmi les tués, quatre officiers : MM. De Ghamisso, De Bexon, De Ségur et Du Bayet fils.
Pour Paoli, il était en fuite. C’était avec peine qu’il avait pu réunir trois à quatre cents hommes au couvent de Rostino et à Morusaglia. De leur côté, les Français, instruits par l’expérience, évacuaient leurs blessés et assuraient leurs positions contre tout retour offensif. Le 10, ils occupaient Vignale, Lucciana, Pietralba. Le 15, ils avaient passé le Golo et pris le couvent de Rostino.
Le 20, ils étaient au couvent d’Omessa et, le 21, ils se mettaient en marche sur Corte.
A mi-chemin, ils rencontrèrent les principaux habitants de cette ville, venant faire leur soumission et traiter de la reddition de la citadelle, reddition qui eut lieu effectivement, le 22.
Dès le 20, Paoli, suivi de quelques fidèles, s’était retiré à Vivario qu’il quittait le lendemain du jour où les Français partaient de Corte. Le 6 juin, il était à Bastilica, le 8, à Quensa.
Ce fut dans ce village qu’il apprit, et la prise de sa principale place d’armes, l’Ile Rousse, et l’arrivée à Porto-Vecchio, le 7 juin, de l’un des navires de l’amiral Smittoy, requis par son agent Guelfudi, le prêtre servile. Dans la nuit du 12 au 13 juin, il s’embarquait en compagnie de son frère Clémente, de son secrétaire l’abbé Antonio Francesco Andrei et de quelques partisans dévoués. Deux mois plus tard, il était installé dans un hôtel de Londres, vivant tranquillement et grassement de la pension qu’on lui avait si généreusement accordée.
A dire vrai, les vainqueurs lui avaient laissé toute facilité pour s’éloigner. Du 21 mai, jour de leur entrée à Corte, au 13 juin, date du départ de Paoli, ils auraient pu s’emparer de sa personne. Ils préférèrent fermer les yeux sur l’évasion d’un homme dont » la capture, disait M. de Vaux, eût été plus embarrassante qu’utile… »
Extraits de Bonaparte et son temps par Th. JUNG (1880)